mercredi 24 septembre 2008

Chap. 13

J'ai une vision.
Homo sapiens sapiens 2.0.
Je perçois l'Homme sous une perspective macroscopique. Je m'extrais de mon enveloppe d'animal cloisonné dans ses modèles stéréotypés. Je me perche sur une étoile oubliée, au milieu du désert cosmique où plus un son ne parvient, où les sens terrestres sont inutiles; et je me penche sur les gesticulations biologiques de notre planète, tel un empiriste savant l'oeil rivé sur la lunette de son microscope à balayage électronique. L'Homme est l'animal dominant actuellement sur la planète Terre. Depuis la macération originelle qui a vu éclore la vie sur le globe, de façon improbable et miraculeuse, jusqu'à notre ère numérique, il n'a cessé de s'adapter, avec un sens de la survie si grand qu'il a su compenser son extrême vulnérabilité physique.
Aujourd'hui, l'espèce humaine semble vivre une mutation à situer au même niveau – voire à un niveau supérieur - que l'apparition du langage, de l'écriture, de la sédentarisation ou que l'invention de la roue ou du chauffe-tasse USB. La dimension numérique de notre civilisation s'inscrit dans un processus de métamorphose biologique, tout comme la capacité de tisser sa toile chez l'araignée est intégrée dans ses gènes. La révolution industrielle amorcée au XIXème siècle – histoire de ne pas remonter à homo ergaster ou Gutemberg - , puis la révolution capitaliste démarrée après-guerre a mené notre espèce – elle-même dominée en son sein durant ces périodes par l'homme blanc occidental – a accomplir la révolution numérique. Celle-ci a engendré une uniformisation, du moins à brève échéance, de l'humanité. On a souvent nommé ça la mondialisation, même si ce lexique a souvent des échos économiques. Or, les grandes avancées de l'homme ont toujours eu une assise économique. Sa domination avérée actuelle sur les autres organismes vivants de la planète a pu s'installer par ces facteurs, l'économie induisant une organisation structurelle, une anticipation et une analyse. L'économie répond aux nécessités psychologiques de l'instinct de survie.
Je vois l'homme comme une bactérie. Plus complexe biologiquement, mais organisme vivant mué par les mêmes contingences physiques que l'amibe, le ficus de ma pulpeuse voisine ou son chat. Une bactérie. Ou, mieux, un virus. Se reproduisant inlassablement, guidé par l'obsession de perdurer, sans se poser vraiment de questions quant à cet aspect des choses. C'est évidemment à cause de nos instincts de survie que le sexe est devenu au fil des générations successives une chose si agréable.
Nous sommes une infime partie d'un tout, tels les cellules d'un organisme vivant. Comme le virus, nous combattons l'hostilité des éléments environnementaux en mutant et en nous adaptant. Dieu est en nous, nous sommes Dieu. Nous sommes un maillon d'une machine transgénérationnelle vouée à l'expansion et la reproduction. La domination comme moteur de survie. « la meilleure défense, c'est l'attaque » disait Aimé Jacquet, grand penseur dans sa catégorie. « Muscle ton jeu, Robert! » assénait-il également à Robert Pirès en l'an 1998 de l'ère chrétienne. Tout ceci n'est pas sans rapport avec le thème de ce texte. Ce besoin d'évolution constante et de propagation aveugle et obsessionnelle, l'humain l'a au cours des temps mis à jour par le biais de quelques-uns des plus névropathes de ses congénères – du moins ceux qui ont pu s'exprimer – tels que Julius Caius Caesar ou Adolf Hitler. Ils voulaient – inconsciemment – imposer leur image comme modèle pour l'espèce humaine, celle-ci tâtonnant encore quant à se définir dans ses mutations. Leurs biais outrageusement bestiaux n'étaient que le reflet d'un aspect de nos mécanismes de défense et de développement biologique. Adolf est en nous, nous sommes Adolf !
L'homme est le cancer de la planète. Soit la nature l'expulsera avant qu'il n'ait éradiqué toute forme de vie à la surface de la Terre, soit il saura se détourner de ses soifs de destruction névrotique et de nuisance pathogène, en grand animal génial et bourré de ressources qu'il a su être au fil des âges.
Toute cette alchimie en gestation mènera peut-être un jour à l'Etre fini, probablement asexué, synthèse de toutes les formes – ethniques ou sociales - qu'a pu endosser l'humain. L'homme abouti n'aura plus de nation (qui apparaîtra bien vite comme un vil reliquat de pratiques tribales), la société sera égalitaire, toute hierarchie autoritaire étant anxiogène et facteur de violences (ce qui nuit en toute logique à l'évolution positive de l'espèce) et il intègrera physiquement des paramètres numériques.
Personnellement, je considère déjà mon PC comme une annexe de mon cerveau.
Homo sapiens sapiens 2.0.

Chap. 12


trouvé dans la revue Historia, spécial Dracula,avril 1979>


Moins de trente ans plus tard, les humains avaient trouvé avec internet un moyen plus efficace de rentrer en relation, que ce soit à des fins d'avoir "une chance de plus de réussir son mariage" ou de forniquer sur catalogue tels des diablotins lubriques partouzant fiévreusement parmi les flammes acides de la Géhenne.
L'accroche "la vie: regardez-la à deux" me fait penser à ce passage d'un documentaire vu sur Arte consacré à la notion de sentiment amoureux au travers des cultures. On y voyait un couple d'austères nippons vivant dans un respect strict des traditions japonaises. Leur mode de vie induisait une totale retenue dans l'expression de l'amour qu'ils se portaient éventuellement. Par exemple, les parents dont la famille servait d'illustration à cette manière d'appréhender les rapports affectifs au sein du cercle familial n'embrassaient jamais leurs enfants et toute manifestation d'amour était taboue. Lorsque la journaliste les interrogeat sur la façon qu'ils avaient - s'ils en avaient une - de montrer l'amour - supposé - au sein du couple, l'homme, aussi funky que Leonid Brejnev en descente de MDMA par -25° en périphérie de Vladivostok, expliqua : selon lui, l'amour ne devait pas être une chose publique (et ce point de vue est tout à fait respectable) mais s'affirmait lorsque, en amenant leur fils au base-ball, le samedi après-midi où il pouvait un temps s'extraire à la servitude dévouée de son poste dans une usine de montage de composants électroniques, le couple, au volant de sa Toyota, regardais la route. Il expliquait que regarder dans la même direction était la plus grande manifestation de leur amour. Alors que chacun sait que regarder dans la même direction, cela s'appelle la levrette.
L'homme est définitivement un animal névrosé.

mardi 9 septembre 2008

Chap. 11

Sébastien était à fond de coke. Dès le premier jour où je l'ai vu j'ai suspecté chez lui une homosexualité refoulée. Sa façon de parler, de s'habiller, de parler des filles qu'il n'arrive pas à baiser. Son attitude. Il a carrément rougi une fois que je lui disais en toute discrétion, tandis que nous buvions un café en terrasse et que je profitais que C. soit allée aux toilettes : «cette fille est un tsunami, au lit. On dirait que son seul but est de rendre ma bite heureuse !». Le voyant géné, j'étais resté interloqué et je m'étais abstenu de développer mon argumentaire qui allait bifurquer sur l'évocation de l'anectode de la fois où elle m'avait sucé au cinéma, quelques jours avant. On était allé voir «les Promesses de l'Ombre» de David Cronenberg et j'avais éjaculé dans sa bouche, je me souviens, alors que Viggo Mortensen plantait un couteau dans la nuque d'un gars de la mafia russe. J'avais connu C. au détours d'un tchat sur meetic et Sébastien était son voisin depuis des années. Cela faisait des mois que je ne les fréquentais plus, ni lui, ni elle, lorsque je fis ce rêve étrange. Nous étions dans une fête, l'été. Une piscine. De la coke. De l'herbe. Des gens. Des papillons fluorescents. Blonde Redhead («I Still Get Rocks Off» pour être exact) en fond sonore. Des filles outrageusement sexy. Sébastien à fond de coke. En un instant, plus personne à la fête, juste lui et moi, au bord de la piscine, torses nus. La musique, comme un filet saturé de fréquences médium, semble désormais sortir d'un petit transistor-radio, comme celui qu'utilisait ma grand-mère pour écouter son tiercé. Sébastien a l'air d'être dans une sorte de transe. Je crois qu'il a gobé une pilule, aussi. Il veut que je le suce. Il a déjà sorti sa bite démesurée et en érection et la branle en douceur, le regard implorant que je le soulage moi-même. Je suis mal. Cependant, je m'apprête, avec dégoût, à m'occuper de lui lorsque, surgie de nulle part, C. prend sa bite en bouche et commence à lui délivrer une pipe gloutonne dont elle maîtrise tous les aspects. Je bande. Sébastien devient écarlate lorsqu'il jouit dans un râle efféminé. C'est du sang qu'il éjacule. C., je ne sais pas comment, réussit à attraper la semence dans un verre qu'elle lui tend et qu'il boit avec avidité. C. se tourne vers moi avec un regard lubrique. Il lui en faut encore. Elle a soif de bite, c'est ce que ses yeux me disent, et, lorsqu'elle commence à me sucer, un éclair semble me traverser les boyaux. Je me réveille en sursaut. M. est en train de se livrer à une fellation matinale sur ma personne. Je l'avais oublié, celle-ci. Pourtant on avait passé, la veille même, une soirée mémorable en terme de volupté. Elle a, il faut dire, le plus beau cul d'Europe occidentale.
Sur la table de chevet, deux mugs de café noir répandent une fine fumée qui brouille légèrement le filet de rais de lumière inondant la chambre de photons dorés, tel la promesse d'une naïve félicité.

"It's gonna be a glorious day..."