mardi 25 mars 2008

Chap. 6

Cette nuit, j'ai rêvé que toutes les filles avec lesquelles j'avais eu du sexe dans ma vie étaient réunies dans un très grand (forcément)lit au milieu duquel je me tenais allongé, nu, bandant comme un taureau en rut, béat tel Moïse ouvrant les flots de la Mer Rouge aux dévouées tribus d'Israël. L'activité onirique brouille souvent les identités et les impressions mais elles semblaient être toutes là, une multitude : les brunes, les blondes, les rousses, même ma dépucelleuse, les amours déchus, les plans baise, les expertes, les veules, toutes. Angela aussi, divine Italienne que j'avais connue il y a des années et dont le fait le plus marquant avait été, un dimanche après-midi, de m'enduire la bite de miel pour ensuite me sucer jusqu'à en faire disparaître la moindre molécule, avant de se délecter d'un autre nectar que je lui avais éjaculé à la face et dont elle avait tout de même réussi à engloutir les dernières gliclées. En fond, je m'en souviens, tournait le DVD de Frenzy, d'Hitchcock, en VOST. Nous étions installés dans mon canapé ouvert en lit, volets clos. Dans mon rêve, elle était déjà occupée à me gober le gland du bout des lèvres et de la langue avec une retenue très excitante, plus à la façon de Charlotte qui, elle, là, me dévorait la bouche en me caressant les couilles. Certaines me touchaient, d'autres se touchaient. Un râle permanent et ondulatoire vibrait au dessus de la cérémonie orgiaque. Je les baisaient dans tous les sens, tantôt avec une grande douceur, tantôt violemment; par moment, mes sensations me donnaient l'impression d'avoir plusieurs sexes. Je n'arrêtais pas d'éjaculer, d'ailleurs, et mon sperme les recouvrait toutes, tel une aura qui les sanctifiait sur l'autel de la grâce sublime et de l'harmonie des sens. En fond résonnait une musique, mélange de Sonic Youth sous amphétamines et d'Aphex Twin apocalyptique, avec des guitares hurlantes comme un orgasme arraché des sphères abyssales où l'inconscient spirituel et l'effervescence organique fusionnent en une alchimie primitive.

lundi 17 mars 2008

Chap. 5

Au fil de mes contacts meetic, j'ai pu remarquer également la présence d'une population très représentée : l'instit. Bien sûr, hors de question de mettre sa photo. Autant éviter de se retrouver à tchatter avec le papa divorcé du petit Kevin qu'on a dans sa classe de CM1 à l'école primaire Mohammed el Zarquaoui en ZEP en banlieux de Valenciennes. D'ailleurs, bien souvent, elles mentent sur leur situation géographique, histoire de brouiller les pistes. On ne sait jamais. Les instits ont du temps libre et, lorsqu'elles sont célibataires et que les collègues masculins ont le sex-appeal d'un iguane incontinent, elles ne sont pas dans un contexte social qui leur permette de rencontrer le mâle au regard de braise qui alimente leurs fantasmes torrides. Des instits, j'en ai plein mon MSN, de quoi alphabétiser le Burkina Faso. Elles se font chier. Marre de ne pas pouvoir profiter de leur énorme temps libre pour des activités de couple. Elles ne risquent pas voir leur job remis en question par une délocalisation en Chine ou une OPA agressive d'un lobby de retraités de Miami et sont donc au dessus des contingences matérielles. Ça laisse du temps et de l'espace dans leur cerveau pour tchatter dès que la cloche de 17 heures a sonné. Si elles le pouvaient, elles se connecteraient sur meetic pendant que leurs élèves planchent sur la conjugaison des verbes du troisième groupe au plus-que-parfait.
Un sous-groupe que j'évite (ou alors pour les plans bien explicitement Q, si elles ont des arguments): les bimbos au QI proche de celui de l'amibe. On les repère à distance rien qu'à lire leur annonce, soit criblée de fautes d'orthographe (fautes qui dénotent parfois une imagination débordante, cela dit) soit carrément et le plus souvent en langage SMS (même si le mot SMSé est plus long que celui qu'il est censé abréger). Et bien sûr un contenu proche du néant et reflet d'un niveau intellectuel effrayant pour des humaines vivant dans un pays où l'école est obligatoire jusqu'à seize ans. Elles écoutent du r'n'b, kiffent les sorties en discothèques et leur cuisine préférée est concoctée par les fast-food. Tout ça dans leur profil descriptif. De même, elles n'hésitent pas à mettre une photo d'elles où elles portent des lunettes de soleil ou font un bisou à leur appareil photo. Tout juste si elles ne montrent pas leur string dépassant du jean de contre-façon Diesel taille basse. C tro koooool ! (et autres Lol !)
Après, il y a aussi des filles normales sur meetic. Qui cherchent un prince charmant. La machine à fantasmes. Mauvais temps pour les moches ou même les physiques moyens. Tant qu'à être sur un tel site, autant viser haut. Les lois du marché appliquées aux relations amoureuses. Meetic est une jungle sans pitié où s'opère une sélection naturelle. Même les boudins sont difficiles. Et les canons vouées à la frustration et l'insatisfaction chronique. J'en ai croisé une, comme ça, Inès. Une vraie princesse. Enfin, une princesse de film porno, tout de même! Son problème est qu'avec un enfant et habitant un village paumé, elle n'avait pas beaucoup d'opportunité de rencontrer de mâles aptes à assouvir ses rêves d'homme parfait. Elle avait donc rempli son profil meetic et cela était devenu pour elle plus qu'un jeu, une obsession. Un soir que je trainais sur le site, elle m'a contacté par tchat. Après les préliminaires d'usage permettant de bien voir qu'on était sur une longueur d'onde similaire, on est naturellement passé sur MSN où j'ai pu découvrir, ébahi, son identité visuelle. 30 ans, un mélange de Claudia Cardinale à l'époque de Once Upon A Time In The West et d'Isabelle Adjani dans le remake de Nosferatu par Werner Herzog. Avec les nichons de la première et la bouche de la seconde. Elle dessinait pour des livres destinés aux enfants. Une pure beauté. Deux heures plus tard, j'étais allongé sur son lit tandis qu'elle me délivrait une fellation d'anthologie (classe Marc Dorcel Productions, édition limitée de Luxe), penchée sur mon penis tandis que ma main s'aventurait entre ses cuisses, effleurant son sexe aux lèvres épilées, douces comme une soirée d'été. Nous avons baisé une bonne partie de la soirée. J'étais aux anges. À deux doigts (surtout le majeur) de tomber amoureux. Après nos ébats, tandis que nous fumions un joint d'afghan, allongés sur son lit, encore sous l'effet de nos activités charnelles, elle m'expliqua – ou plutôt me fit comprendre - qu'elle invitait régulièrement des hommes chez elle (c'est une folle de cul). Je compris à cet instant que je n'aurais rien de plus que du sexe avec elle et, même, qu'il y avait de fortes chances pour que nos contacts prennent fin lorsque j'aurai quitté son appartement. En fait, nous nous revîmes pendant trois semaines, avec à chaque fois la même intensité physique que la première fois. Un dimanche après-midi où je me morfondais seul chez moi, surfant vaguement sur des sites de cul, dans l'optique sans enthousiasme de me branler après avoir accumulé un petit stock de samples de gonzo, histoire de passer le temps, elle m'envoya un SMS. «Je vais être sincère avec toi, j'ai besoin de baiser, là, maintenant. Si ça te dit, je t'attends, je suis toute à toi». Je répondis par un «:) j'arrive !». Elle me reçut dans une robe archi-moulante et des bas roses style filets de pêche, avec – je le découvris peu de temps après – une ouverture pour sa chatte aux lèvres finement épilées. Elle arborait un sourire qui en disait long sur ce qui allait être notre soirée. A peine étions-nous assis, elle sortit ma bite fiévreuse déjà en érection et se mit à la sucer avec douceur.
Je m'interdisais avec grande difficulté de me laisser aller à des sentiments pour elle. Elle était tout simplement parfaite, excepté le fait que c'était une mangeuse d'hommes. Je savais qu'un jour ou l'autre elle se lasserait et passerait à un autre. Je n'étais qu'un plan cul parmi tant d'autres. D'ailleurs, durant notre brève relation (quoique trois semaines, dans le contexte meetic, équivalent à trois ans dans la vraie vie (car meetic, ce n'est pas la vraie vie), elle ne cachait pas le fait qu'elle se connectait tous les jours au site. J'étais sur un siège éjectable mais c'était la règle implicite que j'avais tacitement acceptée. Ainsi, lorsqu'elle répondit sans passion à un de mes mails, je sus que ce moment redouté était arrivé et je me suis effacé dignement en ravalant mon amertume. Je n'eus des nouvelles d'elle qu'une fois, la croisant par hasard à la FNAC, au rayon livres d'art, un an plus tard.

Chap. 4

Salut!!! Permettez me se présentera. On m'appelle Irina. Je vouloir faire connaissance. Pour moi la connaissance pour Internet aux premiers. Selon cela je me serai content si vous de moi écrire pour le mien e-mail: Irin2007.74@mail.ru . Je la femme jeune sympathique. Vouloir beaucoup trouver l'ami et peut même de la personne aimée. J'aimer communiquer, aimer vivre et aimer la vie à tous sesmanifestations. Je vouloir rencontrer l'homme de qui je vouloir aimer.
Je veux beaucoup par mon attention féminine. Je compter quevous à moi écrire et nous pourrons parler avec vous plus endétail. Aussi je vous enverrai la photo. Je compte sur votre réponserapide. Avec un grand respect Irina !!!
Voici le mail que je reçus un matin. Irina, jeune afghane de vingt-huit ans, avait dû braver la steppe congelée à dos de dromadaire, au risque de se faire égorger par des reliquats de talibans, pour se connecter au seul PC de sa province médiévale équipé d'un modem 56k et se logger sur meetic. Bon, à en croire son adresse e-mail .ru, elle devait être exilée en Russie, première étape vers la civilisation avant l'eldorado où en parle en euros ou en dollars. Cet e-mail illustre une catégorie du personnel féminin meetic : les jeunes femmes vivant dans le tiers-monde économique et cherchant un bon plan et à se marier avec un occidental. Bon, elle ne savait pas que j'étais un crevard de chômeur qui certes touche en Assedic et en aides CAF l'équivalent du triple du salaire d'un ingénieur spécialiste de la fission nucléaire en Ouzbekistan. A la vue de sa photo mettant en valeur son potentiel sexuel et érectogène, si elle ne fait pas trop la difficile au niveau du physique, elle devrait arriver à ses fins et recevoir des retours positifs à son mail copié-collé et expédié à toute la faune mâle du site. Une façon comme une autre de rentrer dans l'Union Européenne. Bien sûr, à la question du descriptif «pour vous le mariage c'est ...», elle a mis «très important». C'est même le seul but de sa présence sur meetic. Avant de se retrouver à quatre pattes sur le tapis Saint-Macloud d'un contrôleur des impôts de Chateauroux, chauve et gras du bide qu'elle aura épousé en catimini après trois tchats dans un français psychédélique et un Perrier-tranche dans un PMU crasseux. Les Américains l'avaient sauvée de ces dégénérés psychorigides de talibans et maintenant Maurice lui permettrait de revivre un remake de «Pretty Woman» à la différence que ce serait à Carrefour que Maurice agiterait sa CB. Déjà ça ... Je ne compte plus les Camerounaises, Ukrainiennes, Russes et autres ressortissantes de zones en proie à la famine et à l'étripage de masse qui m'ont contacté. Prêtes à tout pour rencontrer un Européen de l'Ouest, synonyme de lecteur DVD, entrecôtes-frites au Flunch avec légumes à volonté et Laguna turbo-diesel. On est loin de l'amour, quand même. On est même assez proche d'un machin qui pue.

Chap. 3


Au départ, on commence avec un casier vierge. Lorsqu'on navigue sur le site, les informations et statistiques de base nous suivent et s'actualisent en temps réel. Ainsi, quatre fenêtres nous rappellent l'état de la situation : «dernier mail reçu», «dernier contact tchat», «dernière visite reçue» et «dernier flash reçu». Avec la trombine de son auteur. J'ai eu mon premier «flash» le deuxième jour : belledu34_25, de Castelnau-le-Lez. Plutôt pas mal. Pas vraiment mon genre mais enfin. Elle a tout de même un petit air légèrement psychopathique. Un je-ne-sais-quoi malsain. Comme si elle forçait son sourire pendant qu'on lui sectionnait le gros orteil. Blonde. 28 ans. 1,68 m pour 60 kilos. Style de vie : aime la cuisine italienne, fast-food (ah ! OK ...), aime les sorties entre amis, les discothèques, pop-rock, variété, r'n'b, cinéma comique, de guerre, fantastique. Bon. Annonce en langage SMS. Ça ne va pas le faire mais je réponds quand même. Elle a flashé, merde ! C'est peut-être la future mère de mes enfants ! Bon, faudra la briffer un peu quand même avant d'en arriver là. Vas-y qu'elle me répond en SMS. «kesk tu ve savoir sur moi di moi je te répondré» conclut-elle dans son message. Lâchement, je mets fin à notre idylle en ne répondant pas.
Ce faisant, «l'Initiatrice» continue à me lancer des émo-icônes MSN en forme de bisous qui font «smack !» sur mon écran de PC qui n'avait jamais connu autant de manifestation d'affection. A part les gonzos de fesse que je chope sur e-mule. De fil en aiguille, tout de même, je me laisse bercer par cette optique de relation amoureuse plus que potentielle. Ca marche, meetic, bordel ! C'était donc vrai ! Même pas une semaine et je suis déjà quasi-maqué. Bon, elle habite à Sète, elle a 31 ans. Une seule photo sur son profil mais elle a l'air pas mal. Un bon cul, a priori, même si sur la photo elle est assise. On se donne rendez-vous le samedi suivant au Cristal Bar à Sète, à côté des Halles, à 18 heures. Elle est secrétaire pour un concessionaire Toyota et finit à 17:30. Dans ma naïveté de novice, avec la candeur d'un petit porcelet ému qu'on lui donne des épluchures de patates à manger, je crois pouvoir dire que j'ai eu là ma première expérience de sentiment amoureux virtuel. Les trois jours qui ont précédé la rencontre, j'avais le sommeil agité, je me relevais pour me connecter au site et aller regarder la photo sur sa page. Vient le jour J. Je suis nerveux. Arrivé au bar avec une heure d'avance, je commande une bière pour me calmer. Comme une impression d'avoir rendez-vous avec mon destin. Il faut préciser qu'on avait passé la semaine à tchatter à toute heure (toutes les secrétaires célibataires de France tchattent sur MSN durant leur boulot, c'est un fait avéré) et à se téléphoner durant des heures (quel progrés pour les crevards, la téléphonie illimitée). Pour ne rien dire, d'ailleurs. Se bercer d'illusions. Lorsqu'elle est arrivée au rendez-vous, je dois dire que j'ai été instantanément déçu par son physique. J'avais fantasmé autre chose. Ce qui ne m'empêchait pourtant pas de l'embrasser au boût de quelques minutes, comme pour me libérer de toute la pression accumulée depuis plusieurs jours. Et parce que j'avais envie de baiser, aussi. A la fin du week-end qu'on avait passé à faire l'amour comme des cochons malades dans son clic-clac Conforama ouvert pour l'occasion, je me suis rendu à l'évidence qu'en fait je ne pouvais rien envisager avec elle, que je ne tomberais jamais amoureux d'elle, malgré son aptitude et son application passionnée à la fellation. En fait, elle était moins bien que sur sa photo. En fait, elle ne ressemblait pas à sa photo. Elle a compris que mon enthousiasme avait fondu en même temps que le virtuel avait laissé la place au monde réel. Si j'en juge les larmes qui ont accompagné mon départ, en fait, pour elle, ça le faisait. Et merde ! J'avais mauvaise conscience, maintenant, même si j'avais été sincère dans ma naïveté. Elle semble ne pas vouloir une relation de cul dont je me satisferais bien, moi, petit lapin lubrique que je suis. Je n'ai l'ai plus jamais revue. Merde, quoi ! Elle m'avait sorti son DVD de Benabar, quand même ! Je veux bien être prêt à des concessions, mais il y a des choses que je ne peux pas laisser passer, tout de même.

Chap. 2



Je savais que je partais avec deux handicaps : le fait d'habiter à 30 km de Montpellier (même si j'ai mis que j'y vivais) et surtout d'être chômeur (à profession, j'ai mis «graphiste»). C'est clair que ça peut en effrayer certaines. Mais, même si le logo des Assedic ressemble étrangement à celui des supermarchés pour tiers-mondistes de nourriture sur-toxinée Aldi, j'espère qu'elles ne vont pas toutes croire que je suis un pauvre zonard qui fait tourner ses trois paires de chaussettes trouées et qui économise une semaine pour se payer un picon-bière. Bon, j'ai vite remarqué par contre que beaucoup, malgré leur situation CSP élevée, avaient un niveau culturel assez limité. Cadre sup, OK, mais qui kiffe grave le dernier Shakira ! Pinaize, tu as 33 ans, merde ! Et lis un livre de temps en temps, au lieu de passer tes soirées à tchater ! Coquine !Le genre de filles à croire que Velvet Underground est une marque de serviettes hygiéniques ou que Pierre Bourdieu est un candidat de la Star Academy. D'ailleurs par la suite, en ayant marre de discuter avec des filles du niveau culturel et intellectuel de Patrick l'Etoile de Mer (le copain de Bob l'Eponge), j'ai modifié mon annonce en y ajoutant des références et des allusions limite prétentieuses vu le contexte et qui devaient, du moins je le pensais, filtrer les victimes de la sous-culture M6-NRJ-McDo.
Bon, résultat de mon mailing : genre 5 réponses pour 15 envois. Et alors, c'est ma tronche, ou quoi ?! Merde, chuis pas mal, quand même ! Et j'ai vu les trombines tristes de la concurrence ! Bon, c'est déjà ça. Cool, la number one dans mon coeur non seulement m'envoit un feedback bien positif mais en plus, me «sélectionne» et «veut être mon amie»! Hein, quoi, «mon amie»?! C'est quoi, ce truc ?! Bon, en tous cas, c'est positif. C'est mieux que la black-list, à mon avis. Durant la semaine qui suit, j'entretiens le contact avec elle (que j'ai longtemps appelée «l'Arlésienne» vu que malgré l'intérêt que je semblais suscité chez elle, il a fallu attendre que le hasard nous fasse nous croiser dans une rue de Montpellier pour que nous rencontriions, et que je vois d'ailleurs à cette occasion qu'elle avait certes un sourire tout à fait charmant mais également un gros cul). Dans le même temps, je me fais carrément brancher par une autre (que nous nommerons « l'Initiatrice ») qui me fait installer MSN dont nous abusons jusqu'à en éroder les touches de nos claviers. En effet, meetic requiert un kit de base : tout d'abord le sus-nommé MSN. «On passe sur MSN» est une phrase qui, sur tchat meetic, annonce qu'on entre dans une nouvelle étape. Ensuite, avoir des repas vite prêts en réserve pour les chats improptus que l'on peut pas interrompre sous pretexte qu'on doit aller éplucher un oignon ou faire une vinaigrette. Ainsi, moi qui aime bien manger de la nourriture en général, j'ai dû me résoudre à stocker des boîtes de maqueraux à la moutarde. C'est très vite prêt - très vite ouvert, quoi - et avec du pain pour saucer, ça faire un bon dîner spécial tchat. Dans les outils indispensables à la bonne pratique de meetic, trouver un site de diététique pour calculer votre IMC et savoir si votre corpulence est dans la normale, si vous êtes trop maigre ou en surpoids. Inutile de préciser le caractère prépondérant de tels sites pour mieux cibler l'aspect des candidates. De même, avoir dans les favoris Mozilla
www.mappy.fr pour savoir où se trouve le bled qui accueille cette charmante brune et à quelle distance de chez soi cela se trouve.
Et enfin, bien sûr, avoir des capotes en stock.

Chap. 1

Il est presque midi. Cela fait un quart d'heure que j'ai quitté mon lit et je bois un café. Dans moins d'une demi-heure, je croquerai deux Codoliprane, et, peu de temps après, j'éprouverai l'irresistible besoin de fumer un gros joint. Pour l'instant je bois mon café avec un demi-sucre et je mange une tartine de pain de mie complet grillé avec du beurre demi-sel et du miel de lavande. J'aurais bien mis un nuage de lait dans mon café mais dans le frigo, à part le beurre demi-sel, des saucisses de Strasbourg sûrement périmées, un fond de pot de mayonnaise bio désséchée et une bière «Top Budget» rescapée d'un pack amené par un de mes amis multitoxico, il n'y a pas foule.
Hier soir, chez mon pote Herbert, je me suis surpris à avoir la larme à l'oeil devant un reportage merdique sur TF1; pourtant, ce n'était qu'histoires de gros qui sauvaient leur couple grâce à des anneaux gastriques. Je me surprends à y repenser sous ma douche très chaude tandis que je me savonne les parties génitales avec le gel-douche Hugo Boss que m'avait offert mon ex-belle-mère (cette garce) à Noël.
Aujourd'hui, c'est Pâques. Avant, j'appréciais les week-ends et jours fériés car j'étais sûr de ne pas voir un huissier de justice taper à ma porte ces jours-là; et j'avais moins mauvaise conscience de ne pas travailler. Maintenant, ça va, à ce niveau; j'ai vendu sur E-bay ma guitare Gretsch Astro Jet de 1968 pour payer les factures d'électricité de téléphone et les six mois de loyer que je devais. La situation s'était présentée à moi brutalement mais avait l'avantage d'être claire. La mère de mon fils m'avait quitté sans préavis. J'avais trente-six ans, j'étais au chômage et je me retrouvais piégé dans la ville la moins funky d'Europe occidentale. Le genre de bled où le parcours de motorisation est : à quatorze ans, la mobylette, à dix-huit la Golf tunée, à dix-huit ans et demi la voiture sans permis (vu qu'on s'est fait pécho avec trois grammes de whisky-coca dans le sang en revenant du Tropicana et qu'on s'est fait grillé le permis). Passée la période de deuil autistique, il fallait que je réagisse si je ne voulais pas tourner mal et me retrouver à boire des blancs limés au PMU en bas de chez moi avec tous les loosers du patelin : déjà, ne pas succomber à la tentation de me picoler la tête et ne pas instaurer cela comme nouveau mode de vie, sinon, c'est la déchéance qui me tendait les bras. Puis poser les bases d'une nouvelle vie sentimentale et sexuelle, et, si j'avais le temps et l'énergie, sociale et professionnelle. Dans cette situation géographique (à 20 mn de Montpellier, en milieu semi-rural et total-plouc où les filles à 30 ans ressemblent à des candidates d'un jeu TV de Nagui, avec gros culs et mentalité de la IVème République, carte Boum-Boum des Magasins But dans le porte-feuille) et sociale (un crevard qui se retrouvait dans la même situation que lorsqu'il avait arrêté la fac au début des années 90), la solution de la cyber-sexualité s'offrait à moi comme une évidence :
www.meetic.fr ! Avant la mère de mon fils, les filles étaient folles de mon corps et si je ne les cotoyais plus au quotidien car reclu en territoire dénué de femelles aptes à satisfaire ma libido et ma soif de romance, je pouvais y remédier grâce au virtuel ! C'est donc avec l'enthousiasme et l'excitation d'un pré-ado qui pique une VHS porno à son grand frère que je créais mon login sur le site des miracles de l'amour. «Meetic, vous allez aimer». Cool ! Allez ! Suffit que je trouve quelqu'un qui me prête sa carte bleue, vu que je suis interdit bancaire, et à moi la débauche ! Avec aussi, à terme, l'optique de tomber amoureux et de me caser car, tout de même, je suis un sentimental. Je prends mon appareil photo numérique, je me tire trente-cinq fois le portrait, trois photos potables, une annonce pas trop cul-cul, je remplis le questionnaire à deux balles. C'est parti ! Bon, ok, mais quoi je fais maintenant ? Tout d'abord, feuilleter le grand catalogue et faire le tri parmi toutes ces prétendantes à mon amour. Alors : on va mettre «Languedoc-Roussillon» et «25-36 ans» dans les critères de recherche. «Avec photo». Pinaize ! Mais y a des bonnes ! J'en ai presque l'écume aux lèvres et je me dis que je peux tomber amoureux toutes les semaines vu les stocks proposés. Je crois que je bande. Bon, y a pas mal de monstres aussi ... Mais pour l'instant, je focalise sur ma quinzaine de specimens sélectionnés et je rédige un e-mail type qui sera copié-collé et adapté au cas par cas selon les annonces de mes proies. Par la suite, j'apprenais à maîtriser l'entrée en matière et à être un peu plus finaud. Hard_discount, c'est mon pseudo. Ca sonne bien et puis meetic, c'est un peu comme un grand magasin, avec ses rayons boucherie, épicerie fine, lingerie, surgelé, friandise, comme je dûs répéter plusieurs fois lorsqu'on me demandait dans les e-mails : «au fait, pourquoi hard discount ?».