jeudi 1 mai 2008

Chap. 7


Je me dois d'évoquer certains aspects de la séduction virtuelle par le biais de messageries instantanées. L'outil de base, MSN, engendre en effet des comportements étranges. Ce biais constitue une étape fondamentale dans le processus de mise en relation avec les candidates. C'est là souvent que se révèlent les identités visuelles. En d'autres termes, étant donné que la grande majorité des filles inscrites sont sans photo, MSN constitue un bon moyen de voir à quoi ressemble vraiment celle qui se prétend « très agréable à regarder ». En général, l'échange d'adresses hotmail permettant de créer un nouveau contact MSN se fait sur tchat meetic. Cette manoeuvre a été rendue plus délicate avec les « nouvelles règles » anti-crevards instaurées en 2007 par le site, dans un souci hautement capitaliste d'inciter à prendre le pass Premium (15 euros de plus par mois), genre de carte American Express du dragueur numérique. Un système de caste où les intouchables sans pass VIP sont frustrés à des fins de les faire craquer pour qu'ils autorisent un prélèvement bancaire plus conséquent. Ainsi, sans ce pass, il n'est pas possible de parler avec celles (très nombreuses) qui ne payent pas de droit pour exposer leur disponibilté et leur quête de mâle. Du moins, la conversation se fait sans possibilité de réponse de l'interlocutrice. Cependant, celle-ci peut lire les messages que l'on envoie désespérement, sans savoir si Carla_112 vous ignore ou si elle trépigne de ne pas pouvoir répondre. Dès lors, cela tourne souvent au monologue où les moins malins ne penseront même pas à donner leur adresse MSN. La faille est là. Parfois, certaines vous rejoignent ainsi sur MSN et là peut commencer une phase plus intime où on pourra informer ces inconnues qu'on va faire un gratin de broccoli pour le dîner. Avant d'en arriver à ces confessions intimes et domestiques, encore faut-il valider les étapes intermédiaires. Certaines ont la juste démarche de mettre d'emblée en médaillon une photo d'elle. Lorsqu'elle ne ressemble à rien, ou du moins à rien de comestible, la situation devient tendue. Car, quoiqu'il en soit, ne nous leurrons pas, le physique est primordial. Pour moi, en tout cas. Il est délicat de converser avec une fille dans un cadre de séduction alors qu'on ne connait pas sa face. C'est bon, vire cette photo de coucher de soleil prise un soir d'été à la Grande-Motte quand tu t'es tapé ce délire camping avec ta cousine et dont tu m'as évoqué le souvenir nostalgique en insistant bien sur le fait que ça aurait été plus marrant si tu avais été avec un mec pour te tenir la main lors de la rituelle promenade d'après-repas sur le port plutôt que d'entretenir ta culotte de cheval à t'empifrer de banana-split avec la cousine boulimique du Nord-Pas-de-Calais. Il m'est arrivé de parler plusieurs jours ainsi avec des filles qui semblaient attendre que je leur demande une photo plutôt que de la dévoiler spontanément. C'est idiot car la chute ne peut en être que plus rude, parfois dans le style de celle du gars qui s'est jeté du World Trade Center un 11 septembre du début de ce millénaire. Avec Ground Zero en tableau final, dans un nuage de poussière, comme un champ de ruine chaotique et désolant. Comme si elles voulaient prolonger l'espoir de me plaire, chose qu'elles estiment donc plus hypothétique si je suis confronté à leur disgrâce physique avérée. Tout ceci rend les choses génantes, surtout lorsqu'on a discuté un peu et qu'on se trouve des connections intellectuelles ou autres. Car, quoiqu'il arrive, il faut veiller à se comporter humainement et ne pas blesser. Je m'y efforce. Lorsque, malgré des efforts intellectuels tenaces (m'imaginer que ce clone d'Arlette Chabot qui prétend avoir 34 ans est peut-être gaulé comme Racquel Darrian dans 'Wild Fuck & Oral Nirvana'), je me convainct que je DOIS renoncer à l'attirer vers mon lit, j'invoque l'excuse suprême : « vois-tu, je me dois d'être honnête : je vois déjà quelqu'un. Rien n'est fait mais je ne cours pas plusieurs lièvres ... ». Et encore moins des hippopotames du quaternaire.
Cependant, merci petit Jésus, il arrive que la postulante soit charmante. Si la réciprocité de l'appréciation se présente, cela finit en général rapidement dans un lit, et les corps s'adonnent à la jouissance divine. Que je ne décrirai pas ici : il en est ainsi depuis des temps lointains. Didier Barbelivien en parlerait mieux que moi.
L'aspect le plus spécifique à MSN est la paranoïa consubstancielle à ce mode de communication, effet exacerbé lorsqu'il s'agit de relations basées ouvertement sur la séduction comme le contexte meetic qui nous intéresse dans ces lignes. Avant même de se parler, on peut déjà commencer à se lancer dans des supputations (forcément négatives). Tout est basé sur l'appréhension de l'état d'esprit de l'autre (ou des autres) et sur le fait de se demander ce qui l'occupe concrètement en cet instant. « X vient de se connecter » nous indique MSN dans un coin du PC, avec son « gling ». Dès lors, une question s'impose : se connecte-t-elle pour venir me parler ou est-ce pour parler avec un autre ? Peut-être est-elle déjà en train de fixer les derniers détails de sa sortie avec un de ses contacts meetic. Peut-être ont-ils même une discussion chaude où elle lui dit aimer lécher les couilles en branlant la bite pendant qu'il lui met l'auriculaire dans le cul. Ou peut-être ne parle-t-elle à personne et attend-elle que je vienne lui lancer un « hello! » introductif. On ne peut pas vraiment savoir et c'est pour ça que l'imaginaire (déjà fortement sollicité) et le fantasme (au sens de projection mentale) peuvent mener à des tortures psychologiques que la raison tempère plus ou moins. Jusqu'à ce que la paranoïa refasse surface au moindre signe négatif, ou du moins jugé comme tel. Car, de plus, MSN est le terrain de jeu favori du quiproquo. Etant donné que le ton n'accompagne pas les mots, le champ des interprétations est vaste et, parfois, sans le recours aux emoticones, on peut faire chapoter un plan qui s'engageait a priori pas trop mal. On se met à tout interpréter, à peser chaque mot comme un signe explicite, et cette interprétation est d'autant plus aléatoire qu'on ne sait pas ce qui se passe dans la tête de l'autre, ce qu'elle fait en nous parlant ou quelle est sa situation vis-à-vis des autres prétendants. Non, mais on se crée de ses névroses, parfois ! Et le pire est que c'est addictif et qu'on en redemande, tel un masochiste qui allume les mégots qui vont servir à lui crâmer les tétons.

3 commentaires:

Bernard a dit…

faites que ce blog ne s'éteigne jamais!

Anonyme a dit…

Après la sociologie du dragueur de Soral, "la sociologie du dragueur de l'internet", TRES BON.

Anonyme a dit…

j'adore le fond et la forme.tout simplement EXCELLENT !!!! sans le ton mais avec toutes mes formes ! Elsa