Il est presque midi. Cela fait un quart d'heure que j'ai quitté mon lit et je bois un café. Dans moins d'une demi-heure, je croquerai deux Codoliprane, et, peu de temps après, j'éprouverai l'irresistible besoin de fumer un gros joint. Pour l'instant je bois mon café avec un demi-sucre et je mange une tartine de pain de mie complet grillé avec du beurre demi-sel et du miel de lavande. J'aurais bien mis un nuage de lait dans mon café mais dans le frigo, à part le beurre demi-sel, des saucisses de Strasbourg sûrement périmées, un fond de pot de mayonnaise bio désséchée et une bière «Top Budget» rescapée d'un pack amené par un de mes amis multitoxico, il n'y a pas foule.
Hier soir, chez mon pote Herbert, je me suis surpris à avoir la larme à l'oeil devant un reportage merdique sur TF1; pourtant, ce n'était qu'histoires de gros qui sauvaient leur couple grâce à des anneaux gastriques. Je me surprends à y repenser sous ma douche très chaude tandis que je me savonne les parties génitales avec le gel-douche Hugo Boss que m'avait offert mon ex-belle-mère (cette garce) à Noël.
Aujourd'hui, c'est Pâques. Avant, j'appréciais les week-ends et jours fériés car j'étais sûr de ne pas voir un huissier de justice taper à ma porte ces jours-là; et j'avais moins mauvaise conscience de ne pas travailler. Maintenant, ça va, à ce niveau; j'ai vendu sur E-bay ma guitare Gretsch Astro Jet de 1968 pour payer les factures d'électricité de téléphone et les six mois de loyer que je devais. La situation s'était présentée à moi brutalement mais avait l'avantage d'être claire. La mère de mon fils m'avait quitté sans préavis. J'avais trente-six ans, j'étais au chômage et je me retrouvais piégé dans la ville la moins funky d'Europe occidentale. Le genre de bled où le parcours de motorisation est : à quatorze ans, la mobylette, à dix-huit la Golf tunée, à dix-huit ans et demi la voiture sans permis (vu qu'on s'est fait pécho avec trois grammes de whisky-coca dans le sang en revenant du Tropicana et qu'on s'est fait grillé le permis). Passée la période de deuil autistique, il fallait que je réagisse si je ne voulais pas tourner mal et me retrouver à boire des blancs limés au PMU en bas de chez moi avec tous les loosers du patelin : déjà, ne pas succomber à la tentation de me picoler la tête et ne pas instaurer cela comme nouveau mode de vie, sinon, c'est la déchéance qui me tendait les bras. Puis poser les bases d'une nouvelle vie sentimentale et sexuelle, et, si j'avais le temps et l'énergie, sociale et professionnelle. Dans cette situation géographique (à 20 mn de Montpellier, en milieu semi-rural et total-plouc où les filles à 30 ans ressemblent à des candidates d'un jeu TV de Nagui, avec gros culs et mentalité de la IVème République, carte Boum-Boum des Magasins But dans le porte-feuille) et sociale (un crevard qui se retrouvait dans la même situation que lorsqu'il avait arrêté la fac au début des années 90), la solution de la cyber-sexualité s'offrait à moi comme une évidence : www.meetic.fr ! Avant la mère de mon fils, les filles étaient folles de mon corps et si je ne les cotoyais plus au quotidien car reclu en territoire dénué de femelles aptes à satisfaire ma libido et ma soif de romance, je pouvais y remédier grâce au virtuel ! C'est donc avec l'enthousiasme et l'excitation d'un pré-ado qui pique une VHS porno à son grand frère que je créais mon login sur le site des miracles de l'amour. «Meetic, vous allez aimer». Cool ! Allez ! Suffit que je trouve quelqu'un qui me prête sa carte bleue, vu que je suis interdit bancaire, et à moi la débauche ! Avec aussi, à terme, l'optique de tomber amoureux et de me caser car, tout de même, je suis un sentimental. Je prends mon appareil photo numérique, je me tire trente-cinq fois le portrait, trois photos potables, une annonce pas trop cul-cul, je remplis le questionnaire à deux balles. C'est parti ! Bon, ok, mais quoi je fais maintenant ? Tout d'abord, feuilleter le grand catalogue et faire le tri parmi toutes ces prétendantes à mon amour. Alors : on va mettre «Languedoc-Roussillon» et «25-36 ans» dans les critères de recherche. «Avec photo». Pinaize ! Mais y a des bonnes ! J'en ai presque l'écume aux lèvres et je me dis que je peux tomber amoureux toutes les semaines vu les stocks proposés. Je crois que je bande. Bon, y a pas mal de monstres aussi ... Mais pour l'instant, je focalise sur ma quinzaine de specimens sélectionnés et je rédige un e-mail type qui sera copié-collé et adapté au cas par cas selon les annonces de mes proies. Par la suite, j'apprenais à maîtriser l'entrée en matière et à être un peu plus finaud. Hard_discount, c'est mon pseudo. Ca sonne bien et puis meetic, c'est un peu comme un grand magasin, avec ses rayons boucherie, épicerie fine, lingerie, surgelé, friandise, comme je dûs répéter plusieurs fois lorsqu'on me demandait dans les e-mails : «au fait, pourquoi hard discount ?».
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
1 commentaire:
Rarement vu un blog aussi captivant par son caractère dénué de niaiserie.
Du bon cynisme, amoral à souhait.
J'adore.
Continuez.
Clark
Enregistrer un commentaire